Le village

Grassendorf > Le village

Vue générale du village

Démographie

Population de GRASSENDORF (chiffres INSEE) :

1975 : 201 hab. - 1982 : 183 hab. - 1990 : 195 hab. - 1999 : 196 hab. - 2006 : 182 hab. - 2009 : 196 hab. - 2013 : 209 hab. - 2014 : 221 hab. - 2015 : 224 hab. - 2016 : 226 hab. 2017 : 235 hab. - 2018 : 244 hab. 

Page d'histoire

1) Situation politique

La partage de l'empire  de Charlemagne et l'intégration de l'Alsace dans la Germanie étant depuis longtemps réalisés, notre contrée connut l'arrivée d'une famille souabe - les HOHENSTAUFEN - qui érigea une forteresse sur une île de la MODER. Grâce à cette dynastie qui compta plusieurs empereurs, la forteresse se métamorphosa en une ville florissante : HAGUENAU.
Lorsqu'en  1282 Rodolphe de HABSBOURG arrive au pouvoir, les propriétés relevant anciennement des Hohenstaufen revinrent de droit aux HABSBOURG. HAGUENAU devint le siège d'une administration appelée "Landvogtei" ou "Grand Baillage" présidée par le représentant de l'Empereur : le "Landvogt" ou Grand Bailli". Celui-ci avait pour mission de gérer le domaine impérial qui, outre les biens communaux et la Forêt Sainte, comprenait une quarantaine de villages disséminés autour de la ville. Ces villages appelés "Reichsdörfer" ou "Villages impériaux" devaient un certain nombre de corvées à la ville de HAGUENAU qui, en retour, leur fournissait aide et protection.
GRASSENDORF fit partie de ces villages impériaux ce qui faisait de ses habitants des sujets d'Emprie dépendant directement de l'Empereur.

2) Le temps des abbayes

Les descendants mérovingiens avaient à coeur de christianiser leurs territoires. Ils firent donc appel à des moines missionnaires venus de la Gaule, d'Ecosse et d'Irlande pour répandre l'Evangile. Les fondations de monastères se multiplient : WISSEMBOURG, MARMOUTIER, MUNSTER et MURBACH. Ces monastères qui suivent la règle bénédictine "Ora et Labora "Prie et Travaille" accumulent au cours des siècles de grandes richesses, ce qui indispose certains moines qui seront à l'origine d'un nouvel ordre religieux : les cisterciens.
C'est l'abbaye cistercienne de STURTZELBRONN (Moselle), fondée ne 1143 sur les terres du Duc de Lorraine SIMON 1er, qui marquera de son empreinte l'histoire de notre village. Si cette abbaye a aujourd'hui disparu, la croix de Lorraine apposée au sommet de notre église nous rappellera toujours son souvenir.

3) Les premières églises

Lorsque vous circulez sur la RD 419, vous pouvez apercevoir sur votre droite, une chapelle située en plein champ au sud de MORSCHWILLER. A cet endroit s'élevait jadis le village du nom de "BACHHOFFEN".
BACHHOFFEN possédait une église, dédiée à St Ulrich, avant l'an 1000 qui fut l'église mère - "MUTTERKIRCHE" des habitants de GRASSENDORF. Ces derniers devaient s'y rendre pour recevoir tous les sacrements. A cette époque, une église représentait un revenu assuré pour son fondateur (seigneur, monastère ...) Il était hors de question pour n'importe quelle communauté d'acquérir son indépendance en fondant son propre lieu de culte.

Sources : "Aspects du Grand Baillage de Haguenau" Etudes haguenoviennes
                 "Handbuch der Elsässichen Kirchen im Mittelalter" M. Barth

Page réalisée par M. Benoît MASSE, conseiller municipal à Grassendorf, parue dans la publication "S' Grassederfer Blattel".

Page d'histoire (suite)

Lorsque l'Alsace devint française après la "Guerre de 30 ans", le souci majeur de l'administration française fut de repeupler une région abandonnée et malmenée après 30 années de guerre et de misère. La région à l'ouest de Haguenau particulièrement éprouvée allait bénéficier de l'arrivée d'immigrés d'origines diverses.GRASSENDORF fut-il vraiment reconstruit par des Français ?
Le Dr. Auguste KASSEL,dans son enquête publiée au début de 20e siècle, fruit d'un travail de recherche exceptionnel dans les archives communales, paroissiales et départementales, tente d'établir les étapes de la reconstruction de notre village; en voici quelques extraits :

L'immigration française à GRASSENDORF aux 17e et 18e siècles.

Les habitants de GRASSENDORF portent dans le langage populaire le sobriquet local "die Welschen" (les étrangers). On raconte dans le village qu'il a été fondé par des Français, en rappelant quelques noms à consonance française ... Le plus ancien document relatif à GRASSENDORF après 1648 est le procès verbal du nouveau recensement des propriétés du terroir et date de 1662 ... A cette époque, un seul citoyen possédant un bien délimité est mentionné : c'est André GUERCE appelé plus tard Simon TIERCE donné comme "originaire de Grassndorf". D'une manière plus sommaire sont cités en 1662 Martin CROISON et François HONDE.. Ainsi Simon GUERCE est le premier fondateur et le premier citoyen du nouveau village et il est probable qu'incité à s'installer à Grassendorf et y découvrant des conditions favorables, il fit venir un certain nombre de ses compatriotes ... En 1662, le terroir de Grassendorf comprenait 1277 parcelles dont 497 étaient caduques (c'est-à-dire sans propriétaires). Ces 497 parcelles étaient toutes entre les mains d'immigrants qui sont :
André BERNARD, Claude BOUCHER, Claudin BOUGUINE, Jean BOUTZOU, Michel BUGNET, Pierre CADET, Jean CARON, Philippe CHEMELIN, Antoine CROISON, Martin CROISON, Girard DOYEN, Jean FOUQUET, Antoine GILBERT, Nicolas GIRARD, François GUARLIN, François HOUDE, Nicolas LAMOTTE, Michel LAROSE, Adrien LEPREVOST, Jean MAZE, Martin MAZE, Claude MESSENCE, PACQUET, Vincent PEIGNE, Noé PESCHER, Girard REDOUX, Noé ROBITAL, Jeaan ROSE, Charles TIERCE, Nicolas TONNELIER ...

Un second contingent d'immigrants est attesté entre 1687 et 1721; il comprend : Jean BAUVE, Thierri BAUVE, Michel CAILLON, Pierre CHARRON, Jean-Charles GROSJEAN, Michel GROSJEAN, Jacques OGE, Martin OGE, Etienne PAILLE, Nicolas PAILLE,.
En 1708 apparaît François COQUELIN ... On signale en 1923 (?  1723 ?) Georges BROCHE, Michel CALOIS, Michel GARNIER, Adrine GISHOMME, François HANOTIAUX, François JURAD, Louis MAZON et en 1728, JANNUY ... L'origine des nouveaux venus n'a pas pu être déterminée... Cependant le procès verbal de révision cadastral de 1686 contient par deux fois la mention marginale "Noé GIRARD achapté" et "Jean HOUTH achapté" ... Dans le mot "achapté" le second rappelle le mot acapté du dialecte picard. Peut-être le nom CARON, pour CHARON vient-il aussi de Picardie ...

Dans certains noms de fermes se cachent cinq noms de personnes français : ins GALWAS (Gallois), ins Hüde (HOUDE), ins GASSEIS (GUERCE), ins SCHANDNUSSE (Jean DENU), ins SCHUEHMASIS (Schumache), MASSE. BROCHE a té transformé en BROCKER et vient de s'éteindre; la descendance de la famille MESSANGE vit à l'étranger sous le nom de MESSANG ...

Ainsi viendra sans doute le moment où les dernières traces de l'immigration française à Grassendorf vont disparaître des noms de famille et des noms de fermes.
Pour l'instant les habitants de Grassendorf continuent à s'appeler "les Welches" dans la langue populaire. Ce souvenir survivra sans doute à tous les autres.

Source : Dr. A. KASSEL "L'immigrtion française à Grassendorf aux 17e et 18e siècles"
Page d'histoire réalisée par Benoît MASSE, conseiller municipal, pour la publication annuelle "S' Grassederfer Blattel" n° 7 de 2002.

Après l'installation des "Welches" à partir de 1663 la vie reprenait peu à peu ses droits malgré la succession de nouveaux conflits armés. Ce ne sera que vers les années 1723 que la nouvelle société commence à se stabiliser. La situation allait en s'améliorant et la petite communauté paysanne installée à Grassendorf allait s'adapter aux us et coutumes du baillage de Haguenau.
Nous pouvons avoir un aperçu de ce développement en étudiant l'état des charges ordinaires de la communauté de Grassendorf (ADBR C231) datée de 1730.
La première partie de cet état récapitule les sommes d'argent que doit la communauté à deux notables en remboursement d'intérêt d'emprunt, ainsi des sommes sont dues à Monsieur le baron de Wangen ainsi qu'au sieur Loyson.

La partie la plus intéressante énumère les dépenses afférentes à la communauté même :

- Au bourgmestre pour les gages ............................................................................................. :    3 livres*
- Au maître d'école pour gages : dix sacs de méteil à raison de 6 livres le sac ....................... :  60 livres
- Au même 2 corvées de bois d chauffage à raison de 4 livres la corvée ............................... :    8 livres
- Au même pour loyer de maison ............................................................................................... :  20 livres
- Au barbier pour gages 24 sacs de méteil à raison de 6 livres le sac ..................................... : 144 livres
- Au "bangarthe"* 2 sacs de méteil ........................................................................................... :   12 livres
- Pour l'entretien de l'église des bans, maison du barbier, deux ponts, trois puits .................... : 150 livres
- Aux chantres et porteurs de bannières aux jours des processions pendant l'année ............ :     6 livres
- Aux pauvres "présant" pour aumône pendant l'année ............................................................ :     6 livres
- A un homme pour prendre et détruire les toppes * pendant l'année ....................................... :    24 livres
- Pour la poudre à tirer pendant la feste dieu ............................................................................ :      2 livres
- Pour l'huile de lin pour "gresser" les cloches et les cordes pendant l'année .......................... :      4 livres

Les communaux :

Chaque communauté disposait aussi d'un certain nombre de terres qui lui appartenait et sur lesquelles seul l'ensemble des habitants avaient droit. L'usage et la jouissance de ces terrains étaient en effet réservés aux habitants de la commune. L'ensemble de ces communaux répertoriés vers 1730 s'établissaient pour la Commune de Grassendorf : 9 arpents* de terre labourable, 6 arpents de prés, 6 arpents de chênaie, 10 arpents de pâture, une rente foncière pour 2 maisons : 1 livre 4 sous, 1 maison à disposition du barbier* bangarthe : littéralement le garde du ban, aujourd'hui le garde champêtre.


* la livre :       monnaie du 18 ème siècle
* arpent :       mesure agraire variable suivant les régions (de 34,19 à 51,07 ares)
* toppes :      taupes

N.B. : C'est en souvenir des immigrants venus de Picardie que le Conseil Municipal a décidé de dénommer la place réalisée dans le lotissement Sainte Agathe "Place des Picards".

La commune de Grassendorf dispose toujours de "Biens communaux" - "Les communaux", dénommés "Allmend" dans le parler local, loués aux agriculteurs.
 

L'immigration française aux 17e et 18e siècles (suite)

A l' issue de ses recherches, le Dr. Auguste KASSEL conclut que les immigrants ayant reconstruit Grassendorf étaient d'origine picarde.
Le mémoire publié dans le Bulletin du Cercle Généalogique d'Alsace par M. François LECHNER est encore plus précis quant à l'origine de ces nouveaux arrivants. Ses travaux lui ont permis d'établir leur région : la Thiérache : cette région de la Picardie s'étend entre le massif ardennais, le bassin parisien et le Hainaut. D'une altitude variant de 200 à 250 mètres, le climat est pluvieux et plus froid que dans le reste de la Picardie.  M. LECHNER a pu établir très précisément les lieux d'origine de certaines familles. Elles sont venues de Jeantes en Thiérache, de Martigny, de La Bouteille, de Fontenelle, toutes des localités situées en Thiérache. La date d'implantation des premiers arrivants picards à Grassendorf, Morschwiller et Uberach se situe avant 1659 et même avant 1653. De surcroît on est amené à penser que les voyages devaient être groupés car il y avait les mêmes patronymes dans différents villages à la même époque. Ainsi on retrouve les TIERCE à Grassendorf, Uberach et Bitschhoffen et des CARON à Grassendorf, Uberach et Morschwiller.

Combien étaient-ils dans les premières années, de 1660 à 1667 ?Dans le village de Grassendorf, les renseignements sont assez précis. Y habitaient pendant cette période, 10 propriétaires de ferme ou de maison et 20 non propriétaires, tous francophones.
Toute considération faite et compte tenu du nombre d'enfants, il est permis de risquer pour le Grassendorf de ces années-là, une évaluation de la population entre 100 et 200 habitants, plutôt près de 200 vraisemblablement picarde.

Quel était leur standing ?

Il n'est pas étonnant de découvrit qu'ils n'étaient pas très fortunés, sinon ils n'auraient pas quitté leur lieu de naissance.
Un inventaire établi après décès de l'épouse de Charles BARBIER, prévôt de Morschwiller, en date du 16 octobre 1687, soit 27 ans après l'arrivée du couple dans ce village peut nous renseigner :

  • Bestiaux : cheval aveugle, 2 poulains, "1 petite cavale", 2 brebis, 5 agneaux, 13 lapins, 6 oies, 10 poules.
  • Matériel : 1 chariot, 1 charrue, 2 fléaux, 1 fourche à gerbe, 1 marteau avec enclume, 1 tenaille, 1 ciseau, 1 faux, 1 petite  balance, 2 tonneaux,  1 saloir en bois.
  • Meubles : 1 table, 1 chaise, 1 coffre couvert de peau, 1 coffre à linge, 1 coffre à farine, 1 coffre à sel, 1 petite balance, 2 réchauds, 1 boisseau, 2 chaudières, 1 eschinol avec dévidoir, 1 tableau.
  • Vaisselle : 12 assiettes, 1 douzaine de cuillères d'étain, 1 cruche de faïence avec couvercle d'étain, 1 lavemain, 1 pot de fer, 1 salière, 1 poêle de fer, 1 poêle à frire, 1 gobelet, 1 chandelier de fer.
  • Vaisselle en étain : 4 grands plats, 3 petits plats, 1 plat à soupe, 13 assiettes.
  • Bijoux : 1 croix de cristal en argent avec petit agneau.
  • Textile : 100 aunes de toile de chanvre, 2 draps de lit, 35 aunes de toile autre, 2 draps éponge, serviettes, 1 coiffe, 1 mouchoir de col.

Cet inventaire ne correspond pas à un très grand train de vie et de culture agricole alors que Jean Charles BARBIER fut un des plus gros acquéreurs de terres disponibles à l'époque.

En poussant un peu plus loin les recherches généalogiques dans la égion de Haguenau, on constate très vite qu'à 25 km à la ronde, autour de Grassendorf, Morschwiller, Uhlwiller, il n'y a pas de village catholique où n'aient essaimé les Picards, en ligne directe et surtout en lignes féminines et guère de famille où ne coule du sang picard souvent de plusieurs souches.

François LECHNER
Page d'histoire parue dans la publication annuelle "S' Grassederfer Blattel" n° 8 année 2003

 

Partager :